Sacrificature et communion
Cette suite de messages est tirée d’une méditation du frère Henri Rossier, serviteur du Seigneur, parue dans le Messager Evangélique de 1888, et intitulée :
« Simon
Pierre »
Accès aux différents chapitres:
Chapitre 1 - «Je suis un homme pécheur »
Chapitre 2 - Pierre marchant sur les eaux
Chapitre 3 - La connaissance personnelle de Christ
Chapitre 5 - Le contempler dans la gloire
Chapitre 6 - La maison du Père
Chapitre 7 - La relation avec le Fils
Chapitre
8 - Sacrificature et communion
Chapitre 9 - Pierre entre en tentation
Or, avant
la fête de Pâque, Jésus, sachant que son heure était venue pour passer de ce
monde au Père, ayant aimé les siens qui étaient dans le monde, les aima jusqu’à
la fin. Et pendant qu’ils étaient à souper, le diable ayant déjà mis dans le
cœur de Judas Iscariote, [fils] de Simon, de le livrer, — Jésus, sachant que le
Père lui avait mis toutes choses entre les mains, et qu’il était venu de Dieu,
et s’en allait à Dieu, se lève du souper et met de côté ses vêtements ; et
ayant pris un linge, il s’en ceignit. Puis il verse de l’eau dans le bassin, et
se met à laver les pieds des disciples, et à les essuyer avec le linge dont il
était ceint. Il vient donc à Simon Pierre ; et celui-ci lui dit : Seigneur, me
laves-tu, toi, les pieds ? Jésus répondit et lui dit : Ce que je fais, tu ne le
sais pas maintenant, mais tu le sauras dans la suite. Pierre lui dit : Tu ne me
laveras jamais les pieds. Jésus lui répondit : Si je ne te lave, tu n’as pas de
part avec moi. Simon Pierre lui dit : Seigneur, non pas mes pieds seulement, mais
aussi mes mains et ma tête. Jésus lui dit : Celui qui a tout le corps lavé n’a
besoin que de se laver les pieds; mais il est tout net ; et vous, vous êtes nets, mais non
pas tous. Car il savait qui le livrerait ; c’est pourquoi il dit : Vous n’êtes
pas tous nets.
Quand donc il eut lavé leurs pieds et qu’il eut repris ses
vêtements, s’étant remis à table, il leur dit : Savez-vous ce que je vous ai
fait ? Vous m’appelez maître et seigneur, et vous dites bien, car je le suis ;
si donc moi, le seigneur et le maître, j’ai lavé vos pieds, vous aussi vous
devez vous laver les pieds les uns aux autres. Car je vous ai donné un exemple,
afin que, comme je vous ai fait, moi, vous aussi vous fassiez. En vérité, en
vérité, je vous dis : L’esclave n’est pas plus grand que son seigneur, ni
l’envoyé plus grand que celui qui l’a envoyé. Si vous savez ces choses, vous
êtes bienheureux si vous les faites. Je ne parle pas de vous tous ; moi, je
connais ceux que j’ai choisis ; mais c’est afin que l’écriture soit accomplie :
« Celui qui mange le pain avec moi a levé son talon contre moi ». Je vous le
dis dès maintenant, avant que cela arrive, afin que, quand ce sera arrivé, vous
croyiez que c’est moi. En vérité, en vérité, je vous dis : Celui qui reçoit
quelqu’un que j’envoie, me reçoit ; et celui qui me reçoit, reçoit celui qui
m’a envoyé.
Ayant dit ces choses, Jésus fut troublé dans [son] esprit,
et rendit témoignage et dit : En vérité, en vérité, je vous dis que l’un
d’entre vous me livrera. Les disciples se regardaient donc les uns les autres,
étant en perplexité, ne sachant de qui il parlait. Or l’un d’entre ses
disciples, que Jésus aimait, était à table dans le sein de Jésus. Simon Pierre
donc lui fait signe de demander lequel était celui dont il parlait. Et lui,
s’étant penché sur la poitrine de Jésus, lui dit : Seigneur, lequel est-ce ?
Jésus répond : C’est celui à qui moi je donnerai le morceau après l’avoir
trempé. Et ayant trempé le morceau, il le donne à Judas Iscariote, fils de
Simon. Et après le morceau, alors Satan entra en lui. Jésus donc lui dit : Ce
que tu fais, fais-le promptement. Mais aucun de ceux qui étaient à table ne
comprit pourquoi il lui avait dit cela ; car quelques-uns pensaient que,
puisque Judas avait la bourse, Jésus lui avait dit : Achète ce dont nous avons
besoin pour la fête ; ou, qu’il donnât quelque chose aux pauvres. Ayant donc
reçu le morceau, il sortit aussitôt ; or il était nuit.
Lors donc qu’il fut sorti, Jésus dit : Maintenant le fils
de l’homme est glorifié, et Dieu est glorifié en lui. Si Dieu est glorifié en
lui, Dieu aussi le glorifiera en lui-même ; et aussitôt il le glorifiera.
Enfants, je suis encore pour un peu de temps avec vous : vous me chercherez ;
et, comme j’ai dit aux Juifs : Là où moi je vais, vous, vous ne pouvez venir, je
vous le dis aussi maintenant à vous. Je vous donne un commandement nouveau, que
vous vous aimiez l’un l’autre ; comme je vous ai aimés, que vous aussi vous
vous aimiez l’un l’autre. À ceci tous connaîtront que vous êtes mes disciples,
si vous avez de l’amour entre vous. Simon Pierre lui dit : Seigneur, où vas-tu
? Jésus lui répondit : Là où je vais, tu ne peux pas me suivre maintenant, mais
tu me suivras plus tard. Pierre lui dit : Seigneur, pourquoi ne puis-je pas te
suivre maintenant ? Je laisserai ma vie pour toi. Jésus répond : Tu laisseras
ta vie pour moi ! En vérité, en vérité, je te dis : Le coq ne chantera point,
que tu ne m’aies renié trois fois. (Jean 13)
La scène du souper révèle à Pierre un nouveau côté du caractère de Christ et de son œuvre, sa sacrificature en rapport avec la communion. Sur la sainte montagne, le disciple avait déjà été introduit au lieu même de la communion, et avait entendu le Père exprimant le bon plaisir qu'il trouvait en son Fils, mais Pierre avait à apprendre ce qui lui était nécessaire pour avoir cette communion, ou pour la maintenir, ou pour y être réintégré s'il l'avait perdue. Nous pouvons, comme le disciple au chapitre 17 de Matthieu, jouir en quelque mesure de nos relations avec Dieu, sans communion réelle avec lui. La communion, c'est avoir une pensée et un cœur avec le Père et avec le Fils. Le Seigneur l'exprime dans notre chapitre, quand il dit à Pierre : « Si je ne te lave, tu n'as pas de part avec moi » (verset 8). Avons-nous, sans réserve, part avec Christ dans ses appréciations, ses pensées et ses affections ? Avons-nous, avec Dieu, un même jugement au sujet de l'homme, du monde, du péché, une même pensée au sujet de l'œuvre de Christ et de la valeur de son sang. Avons-nous les mêmes affections que le Fils pour le Père, que le Père pour le Fils ; une commune jouissance avec Dieu au sujet de la perfection de Christ, une commune pensée avec le Fils au sujet du Père pour le glorifier, lui plaire, faire sa volonté, nous confier en lui, jouir pleinement de sa présence ?
Hélas ! quand il s'agit de réaliser de telles choses, nous sommes bien forcés de l'avouer: cette communion, nous la connaissons à peine ! En vérité, les instants où nous jouissons de la communion divine sont comme submergés par l'ensemble de notre vie chrétienne. Et cependant, rien ne nous manque pour l'avoir toujours, car nous avons la vie éternelle qui nous y introduit (1 Jean 1). Mais si la communion nous est si peu familière, ne nous contentons pas de notre mesure et, d'autre part, ne nous décourageons pas. Dieu a pourvu à toute notre incapacité et à tous nos manquements par la sacrificature de Christ.
NB. « …. afin qu’il fût un miséricordieux et fidèle souverain sacrificateur dans les choses qui concernent Dieu, pour faire propitiation pour les péchés du peuple. Car, en ce qu’il a souffert lui-même, étant tenté, il est à même de secourir ceux qui sont tentés. » (Hébreux 2 v.17-18) « Ayant donc un grand souverain sacrificateur qui a traversé les cieux, Jésus, le Fils de Dieu, tenons ferme notre confession ; car nous n’avons pas un souverain sacrificateur qui ne puisse sympathiser à nos infirmités, mais nous en avons un qui a été tenté en toutes choses comme nous, à part le péché. Approchons-nous donc avec confiance du trône de la grâce, afin que nous recevions miséricorde et que nous trouvions grâce pour avoir du secours au moment opportun. » (Hébreux 4 v.14-16)
Cette sacrificature a pour base l'amour manifesté une fois, mais
non épuisé à la croix,
car il reste et restera le même
jusqu'à la fin : « Jésus ayant aimé les siens qui
étaient dans le monde, les
aima jusqu'à la fin
» (Jean 13 v.1). Il
ne suffit pas au Seigneur de nous sauver ; son
amour veut nous sauver jusqu'au bout, et c'est à quoi il
s'emploie comme sacrificateur. Il
a une « sacrificature qui ne se transmet pas. De là vient aussi qu'il peut sauver entièrement (jusqu'à
l'achèvement) ceux qui s'approchent
de Dieu par lui »
(Hébreux 7 v.24-25). Rien ne peut arrêter
ou même entraver ce service sacerdotal en faveur des siens. C'est au moment même de la trahison
de Judas (13 v.2), qu'il se ceint pour laver les pieds
de ses disciples. La
possession de toutes choses, sa propre dignité comme venant de Dieu et allant à
Dieu, ne l'éloignent pas non plus de ces fonctions serviles ; bien au
contraire, il se sert de sa toute-puissance pour la mettre, en s'abaissant, au
service de ses bien-aimés (verset 3). Tel est l'amour
manifesté dans la sacrificature.
La sacrificature de Christ a des fonctions multiples. Sans parler de sa nécessité pour faire propitiation (Hébreux 2 v.17), nous la voyons s'exercer pour secourir ceux qui sont tentés (Hébreux 2 v.18), et pour nous rendre capables de nous approcher du trône de la grâce (Hébreux 4 v.16). Nous la voyons en activité pour que nous puissions avoir communion avec le Seigneur là où il est (Jean 13), et enfin, pour nous faire retrouver cette communion quand le péché nous l'a fait perdre [je vous écris ces choses afin que vous ne péchiez pas ; et si quelqu’un a péché, nous avons un avocat auprès du Père, Jésus Christ, le juste …] (1 Jean 2 v.1). Dans son exercice en notre faveur, cette sacrificature a deux faces, une du côté de Dieu, une du nôtre. Il est devant Dieu pour nous, notre intercesseur ; et il nous porte secours de sa part.
Au point de vue de la communion, nous trouvons dans notre chapitre le côté secourable de la sacrificature. Quand Jésus dit plus tard à Pierre : « J'ai prié pour toi, afin que ta foi ne défaille pas » (Luc 22 v.32), c'est l'activité de la sacrificature devant Dieu pour la restauration de son disciple. Ici, nous voyons le Seigneur nous mettant en contact avec la Parole (l'eau de purification), qu'il applique lui-même à nos consciences et à notre marche, afin de nous donner une part actuelle — non pas future — avec lui : « Si je ne te lave, tu n'as pas de part avec moi ». C'est ce que nous voyons avec de si précieux détails dans le type de la génisse rousse, au chapitre 19 des Nombres (*).
(*) Pour des éclaircissements sur le sujet, voir l’article du Messager Evangélique 1887, intitulé: «La Génisse rousse».
Mais, à cette sacrificature de Christ qui lui
était ainsi présentée, Pierre ne comprenait rien encore et ne pouvait
entrer là où elle voulait l'introduire. Pour cela, deux
choses lui manquaient, exprimées dans ces deux paroles : « Ce que je fais, tu ne le sais pas maintenant, mais tu
le sauras dans la suite » (verset 7) ;
et : « Là où je vais, tu ne peux pas me
suivre maintenant, mais tu me suivras plus tard » (verset 36). Ces deux choses
sont la connaissance et la puissance.
Le manque de connaissance de Pierre
Pierre avait une réelle affection pour le Seigneur,
mais cette affection ne
put le préserver de la chute la
plus grave. Il
lui manquait une chose indispensable : la connaissance,
dont on peut jusqu'ici constater l'absence dans les actes les plus marquants de
sa vie.
Quand il disait (Matthieu 16 v.22) : « Seigneur, Dieu t'en préserve, cela ne t'arrivera
point ! » c'était
son affection qui parlait ainsi,
et pourtant, à
ce moment même, Pierre était un Satan qui,
faute de connaître le cœur de Christ, osait
penser que le Dieu d'amour
consentirait à être un égoïste.
Lorsque, sur la montagne, il disait : « Faisons trois tentes, une
pour toi, et une pour Moïse, et une pour Elie », c'était encore de l'affection pour Jésus, mais la connaissance de la gloire de cette personne lui
manquait totalement, quoique ses yeux en voient la manifestation. Il mettait la grâce divine au même niveau que « la loi venue par Moïse » pour condamner,
et que la prophétie qui
annonçait le jugement.
Dans la scène des didrachmes, le « oui » de Pierre à la question : « Votre Maître
ne paie-t-il pas ? » dénote encore de l'affection pour son maître qu'il pensait honorer devant ses
compatriotes, mais sans
aucune connaissance de
la dignité de celui qui était Dieu, Créateur, Seigneur du temple, Fils du souverain sur son trône.
Dans un sens, la
connaissance précède les
affections, car au fond, elle n'est pas autre chose que le fait de s’approprier
par le Saint Esprit de l'œuvre,
de l'amour et de la personne de Christ ; elle les suit
aussi, car les
affections pour Christ sont le meilleur moyen de mieux le connaître.
Dans le chapitre qui nous occupe, ces mots de Pierre : « Tu ne me laveras jamais les pieds », dénotent de nouveau son affection, jointe au sentiment de la dignité de Christ, mais aussi l'ignorance de la sacrificature du Sauveur, et d'un amour qui trouvait sa satisfaction dans le dévouement du service. Puis, quand le Seigneur lui dit : « Si je ne te lave, tu n'as pas de part avec moi », il demande à avoir non seulement les pieds lavés, mais aussi les mains et la tête. Certes, c'était de l'affection pour Christ, puisqu'il estimait comme une chose des plus précieuses d'avoir part avec lui ; mais cette affection était accompagnée d'une ignorance complète de l'œuvre qui avait déjà accompli la purification une fois pour toutes (*).
(*) Il faut noter que si l’auteur dit : « accompli », c’est parce que, dès ce chapitre 13 jusqu'à la fin du chapitre 17, le Seigneur se présente à nous comme étant au-delà de la croix, son heure étant venue pour aller de ce monde au Père.
C'est dans cette connaissance de l'œuvre et de l'amour de Christ que se
trouve aussi le secret de
toutes nos relations avec nos frères. Comme le Seigneur les avait aimés, les disciples devaient s'aimer les uns
les autres (verset 34) ; comme il avait lavé leurs pieds, eux aussi
devaient se laver les pieds les uns aux autres (verset 14).
A ce propos, remarquons en passant que, lorsque nous avons besoin de la sacrificature pour être nous-mêmes restaurés, ce n'est pas le moment de l'exercer vis-à-vis de nos frères. Pour faire aspersion avec l'eau de la purification sur celui qui avait été souillé par un mort, il fallait un homme pur qui lui-même ne se fût pas souillé (Nombres 19). Si nous manquons de vigilance dans notre marche, nous perdons, avec la communion qui en est la conséquence, le grand privilège du service sacerdotal envers les autres.
Le manque de puissance de Pierre
Comme nous l'avons dit plus haut, la seconde chose qui manquait à Pierre était la puissance. Humainement, il était caractérisé par une énergie, qui lui faisait affronter les difficultés, mais qui, étant l'énergie de la chair, ne le rendait pas capable de les surmonter. « Je te suivrai ». « Je laisserai ma vie pour toi ». « Je ne t'abandonnerai pas », tel est son langage habituel. C'était de l'affection toujours, mais sans la puissance divine ; et cette affection n'empêche pas le disciple de renier son maître. La puissance qui lui manque est celle de l'Esprit, qui est exactement l'opposé de celle de la chair, et qui ne se développe que dans la mesure où la chair est jugée. Il faut, pour qu'elle se manifeste pleinement, que l'homme ait la conscience de sa complète impuissance.
Pierre ne pouvait avoir ni cette connaissance, ni cette puissance, avant la mort et la résurrection de Christ, et avant le don du Saint Esprit, mais les expériences qu'il a dû faire, alors qu'il ne possédait pas encore ces deux choses, lui ont été profitables. Elles le sont et le seront à d'autres. Dans les Actes, tout est changé dans la carrière de Pierre. Connaissance de Christ, puissance, oubli de soi, action bénie sur les autres, se rencontrent à chaque pas. Les choses vieilles sont passées, c'est la nouvelle carrière d'un nouvel homme.
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