Les émotions ont-elles cours dans la nouvelle création?

Cette question a été posée sur facebook, suite à une conversation avec une personne active dans « l’évangélisation à caractère émotionnel et du bien-être social ».

Contexte :

Suite à mon article « Profession de Foi » , dans lequel, en parlant de la scène de la Croix, j’ai écrit : « Jésus s'est chargé de mes péchés et s'est identifié lui-même à ma nature pécheresse, et y a répondu à ma place devant le Dieu juste et saint, qui ne peut voir le mal sans le punir, même lorsque Jésus, juste et saint, portait sur lui, mes propres péchés. »

Une personne, active dans un groupe évangélique très orienté sur l’émotivité et la gestion des émotions, me fait la remarque que le Seigneur étant sans péché ne peut s’être identifié à ma nature pécheresse.

Remarquant qu’elle ne faisait pas la différence entre toute la vie du Seigneur sur la terre, et ce qui s’est passé pendant les trois heures d’abandon sur la croix, j’ai cru important d’y apporter une précision. 

Voici la précision donnée :

Dans sa vie, il est clair que le Seigneur Jésus a pris un corps tel que le nôtre à part le péché ! Dire le contraire serait blasphémer.

Mais le texte se réfère à sa mort sur la croix ! Pas à sa vie ! Sur la Croix, il a pris ma nature avec tous ses caractères sur Lui, pour que Dieu puisse la juger définitivement. La démonstration en est faite dans l’enseignement de l’Apôtre Paul.

Pour que Colossien 2 v 20 (et autres passages) puisse avoir du sens, il faut que cette nature ait été annulée, et mise dans la mort, crucifiée à la croix ! Et c’est quand le Seigneur Jésus s’est fait entièrement un avec moi (s’identifiant à moi-même avec ma nature et tous ses caractères, à mon vieil homme comme dit Paul) que Dieu a jugé cette nature qui est mienne (et pas la sienne évidemment, la sienne est exempte de péché).

Dans la phrase « Mon Dieu, Mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné… », le pourquoi se trouve dans cette identification, et grâce à Dieu, ses effets sont dès lors éternels, irréversibles et immuables !

Si le Seigneur ne s'était pas, sur la croix, identifié à ma nature pécheresse (c'est le caractère essentiel de ma nature) cette nature n'aurait pas reçu le jugement de Dieu! Ce qui serait horrible, mais grâce à Dieu, cette nature a été jugée à la Croix... relire et relire l'épitre aux Romains!

Je sais que ce point est de nos jours mal compris, la raison vient du fait que beaucoup de croyants confondent la première et la nouvelle création, l’émotivité humaine et l’Esprit de Dieu, c’est dommage.

Suite à cette réponse, nouvelle question :

D'où vient l'émotion? N'existe-t-elle plus du tout dans la nouvelle création?

Voici ma réponse qui est le cœur du sujet :

Mes émotions sont liées à ma nature, liée exclusivement à ce que je suis naturellement. Par rapport à un même fait, mes émotions peuvent être faibles ou fortes. Devant une même situation, l’un sera plus émotif que l’autre, sans forcément que le plus émotif soit plus sincère que l’autre.

Je n’ai pas dit que les émotions étaient mal en soi. Mais ma relation avec Dieu ne repose pas sur mes émotions. Mes relations avec Dieu, se basent sur ce qui se passe dans la partie la plus profonde de moi-même, mon cœur (« Voici, tu veux la vérité dans l’homme intérieur, et tu me feras comprendre la sagesse dans le secret de mon cœur » Psaume 51 v 6. Il ne faut pas introduire dans cette notion de cœur, ce qui est le fruit de l’émotion! Cela ne veut pas dire que l’on reste de glace ! Il y a une différence entre ce qui est la cause et ce qui est l’effet. L’émotion est un effet qui n’a rien de mal en soi. Mes émotions ne sont néanmoins pas une mesure de ma relation avec Dieu (cause)! Bien que ma relation avec Dieu génère une part émotive en moi (effet), quel croyant n’a-t-il pas eu les larmes aux yeux en pensant aux heures d’abandon de Seigneur sur la croix ? Mais cette émotion n’est pas « un fruit », mon frère qui n’a pas eu de larme, porte tout autant de fruit que moi, ou même plus

Si je présente moi-même ce que j’imagine être « la bonne nouvelle de l’évangile » en jouant sur des décors sonores, ambiance ou autres, jouer sur l’émotivité de l’assistance, je n’apporte que ce qui sensibilise l’homme! Quand je me rends pour visiter une Cathédrale gothique par exemple, l’architecture basée sur l’élancement provoque en moi un sentiment d’élévation. Ce sentiment d’élévation vient de mon naturel et n’a rien à voir avec Dieu. Il n’y a rien de mal à avoir ce sentiment, ce qui est mal, c’est de l’attribuer à Dieu. Les manipulations émotives par des techniques médiatiques détournent les regards du contenu du message de Dieu. Celui-ci me montre le prix payé, par l’abandon de Christ sur la Croix, domaine qui n’est pas accessible à l’émotion, mais à la foi! Dire que mon émotivité peut saisir le sens de l’abandon de Christ par Dieu, est de la pure imagination, c’est même me mettre en opposition avec la Parole de Dieu, il s’agit là de la coupe que le Père lui donnait à boire, et le Seigneur lui-même me demande de me tenir à un jet de pierre (Luc 22), mes émotions ne peuvent rien comprendre, elles demeurent étrangères à ce qui ce passe. Je n’ai aucun point de référence pour doser quoique ce soit. C’est autre quant aux souffrances physiques du Seigneur, je peux avoir une petite idée du mal ressenti par des clous traversant une main.

Internet regorge de sites prétendant apporter l’évangile, on y entend des interviews «d’évangélistes» racontant leur « conversion » sans même dire un seul mot de la croix, mais qui excellent dans la manipulation de l’émotivité de l’auditeur. Cela va même jusqu’à attribuer à Dieu, des manipulations d’ordre psychothérapique. Ce qui est lié à la nouvelle création y est totalement absent. Il ne s’agit pas de dire qu’une personne croyante n’a pas besoin de traitement psychothérapique, si elle est malade, mais cela reste du domaine de la première création.

Pour parler de la nouvelle création, il faut d’abord ne pas la confondre avec la première. C’est le point de départ. Le fait de jouer sur l’émotion pour présenter la croix est la démonstration que cette confusion est faite dès le départ. Le premier point à traiter est celui-là.

Quand ce point est clair, j’ai d’ailleurs essayé avec mes pauvres moyens de l’expliciter d’une autre manière dans l’article relatif à la « nouvelle naissance » .

Le fait de se poser la question consistant à se demander si les émotions existent ou pas dans la nouvelle création, est en elle-même révélatrice que la « nouvelle création » n’est pas bien comprise. En Marc 12 v 25 le Seigneur dit « …, quand on ressuscite d'entre les morts, on ne se marie, ni on n'est donné en mariage, mais on est comme des anges dans les cieux. », on pourrait citer aussi Luc 20 v34 & 35, et aussi Galates 3 v 27-28 « vous avez revêtu Christ : il n’y a ni Juif, ni Grec ; il n’y a ni esclave, ni homme libre ; il n’y a ni mâle, ni femelle ; car vous tous, vous êtes un dans le christ Jésus ». Le cadre n’est pas celui de la première création dans lequel le monde de l’émotion joue inévitablement.

En d’autres termes, il suffit de savoir à l’âme qu’elle y est semblable à celui qui lui a donné la vie nouvelle, et que dans la nouvelle création est l’assurance, qu’elle est complètement gérée et conduite, non par ses émotions, mais exclusivement par celui qui est l’auteur de son salut éternel.

Le chapitre 7 de l’épitre aux Romains décrit l’âme occupée de ses émotions, de ce qu’elle ressent. Cela conduit l’âme au désespoir. Mes émotions voudraient répondre et donner écho à « tu aimeras ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme, de toute ta pensée », et si l’âme est réellement touchée dans le secret de son cœur, elle voit qu’elle n’aime pas Dieu de cette manière, qu’elle est incapable d’y répondre. Mesurer sa relation avec Dieu par ses émotions, conduit cette âme sincère au désespoir, jusqu’à dire « qui me délivrera  ? » . Voilà où les émotions conduisent, ce n’est pas là que Dieu conduit les âmes par son Esprit.

Mais, sur base de ce que le Seigneur Jésus a fait à la Croix, sur les bases de la création nouvelle, mes émotions n’ont plus cours ! Dans Romains 8, l’âme est libérée (affranchie) du joug que faisait peser sur elle le désir de ressentir des émotions !

Je n’aime pas raconter mes expériences personnelles, mais pour terminer, je ferai une exception. Il y a longtemps, j’étais marié depuis peu, je suis passé par une phase difficile à mes yeux. Je possédais déjà la vie divine, j’avais l’entière assurance de mon salut, mais je me suis laissé impressionner par certains discours dans les réunions auxquelles j’assistais régulièrement. J’entendais certains frères, parler d’émotions fortes ressenties, etc… les détails n’ont aucune importance. J’étais là assis sur le banc, je n’avais pas ressenti comme on me le présentait. J’avais un problème, d’un côté j’avais la certitude d’être attaché au Seigneur et à sa Parole, mais d’autre part je me disais, puisque je n’ai pas ressenti ce que j’entendais dire, c’est que les autres aiment le Seigneur et moi pas. J’étais malheureux, je n’osais le dire à personne. Mais un jour, le Seigneur m’a fait comprendre : « Claude, ce que j’ai fait pour toi à la Croix, m’identifiant à ce que tu es, répondant devant Dieu à ta place dans des douleurs morales inexprimables que tu n’est pas capable de comprendre, cela ne te suffit pas? Cela serait-il insuffisant à tes yeux ? Aurais-tu besoin de ressentir des choses? ». Dès ce moment, je ne me suis plus occupé de mes émotions, et réalisé que ces émotions n’avaient pas cours là où l’œuvre du Seigneur m’a placé, sur base de ma nouvelle naissance. Et cet endroit-là s’appelle tout simplement « la nouvelle création » !

Claude Beauport

E-mail : bible@beauport.eu